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Let Them Talk
19 octobre 2011

Ambivalence

Lorsque mon gynéco à vu le résultat de spermogramme, qu'il a posé la feuille sur son bureau, j'ai vu qu'il était crispé. Lorsqu'il m'a dit qu'il s'agissait de "très mauvais résultats", bien que je m'y attende, mon cerveau a cessé de fonctionner. Dans un état brumeux, j'ai juste entendu quelques mots dont les principaux sont AMP, FIV ICSI, et orienter vers un confrère. J'étais trop abasourdi pour dire autre chose que "d'accord" à chaque fois qu'il reprenait sa respiration, à tel point que lorsque je suis sortie de son cabinet, il m'a demandé si je ne voulais pas prendre quelques minutes pour souffler avant de repartir. Il faut dire que la fin de notre échange était quelque chose du genre"Je vais vous raccompagner", "d'accord", "pour la consultation, c'est bon, ne payez pas", "d'accord", "si vous avez des questions n'hésitez pas à m'appeler", "d'accord", "vous avez oublié votre sac sur la chaise", "d'accord", "non, la sortie de mon cabinet c'est par là", "d'accord", "ça va aller pour rentrer?", "d'accord".

J'ai quand même continué de croire qu'une grossesse miracle était possible ce cycle ci, après tout "un seul suffit", ce qui bien sûr n'est pas le cas. Et la veille de rencontrer ce nouveau médecin qui risque de nous accompagner durant pas mal de temps, je me rends compte qu'il va nous falloir encore bien du temps pour digérer ces nouvelles.

Vis à vis de Ray, je suis profondément ambivalente. Au quotidien, je ne peux qu'éprouver une extrême empathie, en me projetant sur ce qu'il peut vivre. Lorsque je vivais moi-même tous ces examens, avec ces résultats médiocres à l'image de notre fertilité, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une culpabilité profonde, qui s'exprimait principalement par l'angoisse qu'il me quitte. Je me sentais la source de nos échecs répétitifs, pour ainsi dire responsable de nos espoirs et désillusions mensuelles. Qui plus est, comme j'ai une compétence à la somatisation importante, je nous ai donné à rêver à plusieurs reprises avec des jours de retards, qui ne faisaient qu'accroître notre déception (la plus épique restant les 11 jours avant de partir en vacances, et la loose de l'avion).

Ce que vit Ray, je l'imagine. Porter cette culpabilité, ce sentiment de responsabilité est bien trop lourd, et les paroles n'apaisent pas ce sentiment sourd et profond qui bourdonne en permanence, et dont on ne peut se défaire que lors de moments de grâce, bien trop court, et qui laissent une trace amer (m'a t'il dit ça si sincérement, ou voit il mon désaroi et tente plutôt de me consoler...). Pourtant, pourtant, depuis ces résultats, mon inconscient travaille. Et dur. Et l'ambivalence dont je parlais s'exprime notamment par ce biais là. Rêves apocalyptiques, dans lesquels je lui hurle toute ma haine; volonté de cuisiner des plats sains et équilibrés et violence que ça me fait de le voir descendre un paquet de gateaux, recherches sur tous les moyens possibles pour améliorer la fertilité masculine (et derrière les lots de vitamines, arrive le "fertilimax" dont le nom laisse rêveur, mais appelle tous les désespérés que nous sommes). Alors voilà, le constat est sans appel. A certains moment, malgré moi, je lui en veux. 

Bien évidemment, ce n'est pas de lui dont il s'agit. Ni de sa personne, ni d'une responsabilité que je lui attribuerai sur notre incapacité à nous reproduire. Ce n'est pas de lui ou moi dont il s'agit. Nous sommes un couple stérile, et de fait, c'est nous, notre couple qui ne pouvons avoir d'enfants (sous la couette en tout cas). Je pense que le fond de cette ambivalence, provient du sentiment d'injustice que nous éprouvons. C'est juste difficile d'en vouloir à la terre entière et plus facile de la déverser sur lui.

Partir dans l'AMP, c'est aussi aller au delà de ça. C'est un nouveau départ, et l'ouverture d'un ordre des possibles. J'oscille entre l'euphorie -et la certitude que la première FIV sera la bonne, c'est dire si je mangerai si ce n'est pas le cas- et l'inquiétude, que je pourrais qualifier d'une sorte de peur de l'inconnu. Pour l'instant j'y cours -je crois que le stade de décisions a été dépassé avec la prise du clomid- j'espère, la porte de la maternité n'est pas refermée pour nous, et je m'accroche à l'idée que nous repartons à zéro, avec bien plus de chance que nous n'en avions jamais eu...

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