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Let Them Talk
19 janvier 2013

IAD J-25

 

 

 

On ne parle pas tellement de ce que traversent les couples lorsqu'ils sont dans ce genre de démarche. On lit souvent sur les blog dédiés que les conjoints s'engueulent le D day, sont traversés par des moments très fusionnels et à l'inverse d'autres ou ils s'engueulent jusqu'au moment de rentrer dans le cabinet du médecin.

La date approche, le décompte est en route, et bientôt, ce sera de nouveau de l'ordre des possibles pour nous d'avoir un enfant. Ca fait deux ans et demi maintenant que nous sommes machonnés par les méandres de l'administration, des explorations médicales, des espoirs et des attentes vaines. J'ai été en colère, très déprimé, je me suis fermée et désocialisée comme jamais, mais avec le temps, j'avais appris à accepter une chose. J'avais accepté que Ray et moi étions triste. En permanence. Malgré toutes les joies et les moments partagés, ces deux dernières années peuvent être caractérisé par ce manque, par chacun de ces voyages que nous avons fait à deux, en sachant pertinemment qu'en écho il y avait ce vide qui habitait notre couple. La pièce du fond est devenue un débarras, elle s'est fait appeler "le bureau", puis "le fumoir", progressivement parler d'enfants, de grossesse, et tous ces trucs là devant nous étaient devenus tabou. Et tout ça je m'y suis habituée.

Dans un mois, ce sera le D day, et on s'attends que j'en parle avec enthousiasme. En réalité j'ai peur. Je m'attends à ce que ne marche pas dès le premier mois, et de fait, je ne pense pas que ce soit tellement de cela dont il est question. J'ai peur que l'équilibre que nous avions trouvé soit boulversé; nous nous étions habitué à vivre avec ce manque, parce que l'espoir était bien trop douloureux. J'avais arrêté chaque mois de pleurer en scrutant mes fonds de culottes, mais nous y revoilà. Je crains le regard des quelques personnes au courant. Leur sollicitude. Si cela marche, je sais que je serai pétrie d'angoisses. Je n'ai aucune envie que quiconque vienne me dire de me réjouir. Si ça ne marche pas, je pense que je voudrais vivre cela seule, ou avec mon mari. Leur sollicitude m'agresse, elle m'envahie. C'est une démarche tellement intime qu'il me semble difficile de la partager. Personne ne raconte que la veille il a couché avec son mec et qu'il espère que dans dix jours il n'y aura pas de sang dans sa culotte. Personne ne vient à J+1 avec son test de grossesse pour montrer au monde entier qu'il est entrain de se reproduire.

Et puis dans un couple il y à le rythme de l'un et de l'autre. Alors oui on s'engueule, autant que l'on est fusionnel et triste ensemble. Mais quels mots mettre sur cette tension. Non je n'ai pas envie que ça cesse, parce que je sais pourquoi je le fais et ou ça peut nous mener.  Mais ma vie ressemble à un simulacre pour que tout soit parfait. Comme si tenir mon intérieur bien mieux que Bree, assurer à mon mari que lorsqu'il rentre il pourra mettre les pieds sous la table et que le repas sera entrain de mijoter, passer l'aspirateur et faire les poussières à une fréquence inespérée chez moi, me donnera une quelconque garantie de tomber enceinte.

Étonnamment, je n'y pense presque jamais. Je ne tiens pas de décompte, ou très peu, je ne me dis jamais "peut être que dans un mois je serai enceinte". Mais la nuit, j'en rêve. Tout le temps. Et puis il y à les insomnies aussi. Et l'incapacité d'en parler de vive voix avec mes amis plus la date approche... Mais je n'y pense pas, en tout cas, je n'ai pas conscience de le faire . Et puis, à certains moments, le temps qui ne passe pas me semble insupportable. Alors je me roule un cône, et la lumière qui grille arrête le poids de ce temps. Subitement je décroche, l'horloge se remet à tourner, je me sens soulagée. Et je culpabilise. Et j'angoisse. Comment vais je faire, lorsqu'à J1, il ne sera plus question de se griller un cône pour faire passer les jours, alors que l'attente n'aura jamais eu plus de sens. Comment ne pas me sentir responsable si je fume alors que je connais l'incidence que cela peut avoir sur les probabilités de grossesse? Comment composer avec mes propres phases dépressives, ces produits que j'utilise parce que m'emplir de fumée, à ne plus en avoir d'air, me permet quelques instants de ne plus me sentir vide? Comment partager cela avec Ray, alors que pour une fois, nous pourrions avoir un tant soit peu d'emprise sur cet ordre des possible.

 Alors non, on n'en parle pas souvent de la tension dans un couple avant qu'il ne puisse se reproduire. On ne dit pas tellement comment cela ne régit pas seulement le quotidien. Comment cela supprime toute capacité à la projection. Combien nous sommes fusionnels aussi vite que nous nous haïssons. Combien il est dure de vivre ces émotions de manière synchrone, que l'on cours après l'autre, que l'on tente de le rattraper, pour aller le chercher la seconde d'après. Que l'on sait qu'il faut se soutenir mais pour autant que l'on a juste envie d'être seul. Et le tic tac de l'horloge se poursuit. On se sent vide et incompris. Je m'en moque de vexer, fâcher, ou frustrer mon entourage, mes amis. Toute mon énergie se tourne pour protéger cette part de mon couple, arriver à une conclusion heureuse de tout ça. Oui, voilà, je crois que l'angoisse qui réside derrière tout ça, c'est qu'après avoir partagé tant d'intime, de souffrance, d'attente, nous ne puissions plus nous aimer. Que le jour ou nous aurons un enfant, nous nous séparions.

 

 

 

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