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Let Them Talk
2 juillet 2011

Du désir d'être enceinte

Quand en novembre dernier, Ray et moi avons décidé d'avoir un enfant, nous ne pensions pas combien cela allait modifier nos rapports dans un sens que nous ne pouvions jusque là pas imaginer.

Par excès de naïveté peut être, j'étais persuadée que je tomberai enceinte très rapidement. Les deux premiers mois se sont couronnés d'échec, mais au troisième, alors que nous déménagions, j'étais si persuadée que je tomberai enfin(!) enceinte, que j'avais pris le partit de ne pas emmener tous ces petits paquets de couleur fluo qui font la joie des femmes une fois par mois. Généreuse donation aux futurs locataires. La déception de janvier à été à la hauteur des précédentes. C'est aussi à partir de là que s'est insinué un fantôme dans notre existence.

Nous avons emménagé dans un trois pièces. Une chambre en plus donc. Je me rappelle, non sans cynisme, que je la surnommai déjà la maison du bonheur. Je m'imaginais repeindre les murs de la chambre, envisageait des aménagements qui puissent être le plus confortable, et nous voyais fonder notre nid, le tout premier de notre famille à 3.

Les mois passent, et la maison du bonheur est devenu un deux pièces dans lequel nous vivons. Ce que nous appelons désormais "la pièce du fond" n'est que le vestige de nos espoirs, et du fantôme qui nous habite depuis presqu'un an maintenant.

Ray vacille. Il me soutient, m'encourage, et fond devant le moindre enfant. Quand nous aurons le notre. Il est si petit. Comme nous serons heureux lorsque tu seras enceinte. Puis arrive les "j'ai 36 ans", "ça fait 10 ans que j'attends ça"..

Mon manque d'expérience dans ce domaine m'a fait également commettre quelques erreurs. Après avoir parlé à tout mon entourage (amis, collègues patron) de nos glorieux et réjouissant projets, ceux ci me voient un peu plus dépérir chaque mois.

Début d'examens, résultats encourageant. Mais si ce n'est pas ça, qu'est ce d'autre? Chaque test en entraîne un autre, mais engendre autant de soulagement que d'angoisse. Angoisse qui se mue en culpabilité. Tout progressivement devient de ma faute, comme si c'est moi qui n'arrive pas à être enceinte.

Les bons conseils fusent. Surtout, il faut veiller à ce que cela ne soit pas une obsession. Notamment parce que cela peut dérègler les cycles. Les 5 et 8 jours de retards des deux derniers cycles en sont l'exemple parfait, mais encore une fois cela repose sur la culpabilité de la femme, qui, pauvre idiote, se laisse submerger par ses émotions au lieu de laisser le temps faire les choses.

Je crois que de toute ma vie, je n'avais jamais rencontré d'épreuve aussi difficile, tant elle implique la personne autant dans l'espace privé que social. Bien entendue, je suis en grande partie responsable de cette implication dans le social, mais ce n'est que quelques poussières de culpabilité supplémentaire à la montagne que je me traîne déjà.

Je crois que l'on envisage difficilement la vitesse à laquelle ont peut être objetisé dans ces circonstances. Le corps n'est plus qu'un support que l'on va tester pour s'assurer de sa bonne fonctionnalité. Qui je suis, ce que je peux ressentir, la Science ne s'en préoccupe pas. Mais si tous les tests sont bons, il faudra aller va le psy ma bonne dame. Et c'est vrai, d'un psy j'en aurai besoin. Si je m'arrête un instant sur ma situation, je me demande comment je peux rationaliser ce qui m'arrive. Cette situation à juste ouvert une boîte à fantasmes, à projections, à angoisses dont l'ultime est "et si je suis stérile?"

Bien sûr, de bonnes âmes vous diront que de nos jours, il est assez facile de soigner ce genre de problèmes et qu'une multitude de solutions existent. Mais cela ne soulage en rien l'image dégradée que cela donne de soi, le sentiment d'impuissance et la haîne viscérale que l'on ressent pour chaque mère que l'on croise dans la rue et qui ne s'occupe pas de son gamin comme nous -mères en puissance- estimons qu'il est convenable de s'occuper. A longueur de temps tourne les "et pourquoi pas moi", s'ensuivent les "qu'ai je fait, et "suis je responsable?".

Au fond, cela ramène à une pensée très judéo-chrétienne qui estimerait que la femme est responsable d'une dette, d'un mal qui justifierai qu'elle souffre et s'en culpabilise, uniquement en raison de son genre.

Bien sûr, cela ne m'enpêche pas d'espérer chaque mois encore. De me faire réveiller la nuit par des rêves durant lesquels je tiens mon nouveau né dans les bras. C'est probablement obsessionnel, mais le vide que l'on ressent à ce moment là devient peu à peu notre existence et ce matin, lorsque j'ai eu mes règles, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que ça fait exactement 9 mois, et que si la nature en avait voulu autrement, j'aurai pu me lever avec mon bébé à mes côté en ouvrant les yeux. Imagine d'Epinal j'en conviens, j'aurai sans doute eu des cernes monstrueuses et aurait rêvé que l'enfant se rendorme.

En espagnol on dit "buscar", c'est à dire chercher à avoir un enfant. J'aime beaucoup cette expression qui ne donne pas cette image d'un accident, de "pouf" elle est tombée enceinte. Je trouve que cela brise aussi cette projection outrancière que nous pouvons avoir lorsque nous tombons enceinte. Cela atténue un peu cette mère parfaite que je voudrais être, cette mère formidable qui ne se facherait pas, qui ne serait qu'amour et douceur (la vierge marie donc), parce que cela rappelle que pour le moment je cherche juste à être enceinte, c'est à dire que je ne le suis pas, et que ça ne va pas me tomber dessus, comme ça au hasard d'une quelconque faveur divine

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